Aérojournal HS n°4

LA LOI DE MURPHY

All that can go wrong will go wrong, tout ce qui peut aller de travers, ira de travers. Ainsi s’énonce la loi de Murphy et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle s’applique sans retenue à la terrible mission du 1er août 1943 sur les pétroles de Ploesti. À partir du moment où les avions américains ont quitté le sol de Libye, tout a commencé à aller de travers. La malchance, les mauvais jugements, les erreurs, les fautes de discipline ont contribué à un résultat particulièrement désastreux : plus d’un tiers des avions perdus, plus de cinq cents aviateurs tués ou faits prisonniers.
Rarement une mission n’aura été aussi coûteuse. L’étude détaillée des pertes montre que les causes de cette tragédie ne sont pas là où la plupart des historiens les ont cherchées. Elle rend stérile la polémique de savoir si l’avion qui a disparu en mer de manière aussi prématurée qu’inexplicable avait à son bord le navigateur en chef de l’expédition ou non. Ce n’est pas l’erreur du virage de Targoviste qui a causé le plus de dégâts, mais le cavalier seul d’un groupe qui s’est affranchi de la discipline du vol en formation.
Frapper l’Allemagne à son talon d’Achille, le pétrole, était une bonne idée en soi, mais elle a été mise en oeuvre beaucoup trop tôt. À cette époque, en Europe, la 8th Air Force tâtonne. Ses raids stratégiques sur l’Allemagne sont à la fois peu efficaces et cher payés. Lancée une quinzaine de jours après Ploesti, la double mission sur Schweinfurt et Ratisbonne se soldera par un taux de pertes supérieurà 15%. Les stratèges de l’USAAF manqueront de suite dans les idées. Il faudra attendre avril 1944 pour qu’ils se lancent à nouveau dans la guerre du pétrole. Cependant,à cette période, les choses auront bien changé : l’aviation américaine aura conquis de haute lutte la suprématie aérienne dans les cieux du Reich et les Américains auront appris que des sites comme les raffineries doivent faire l’objet de raids répétés.
Partis avec l’idée que la guerre aérienne s’adaptera à la conception qu’ils s’en font, les Américains comprendront tardivement et après avoir payé le prix fort qu’ils avaient pris le problème à l’envers. Leur force sera non seulement de l’admettre, mais surtout d’avoir les moyens de réviser totalement leur stratégie.