Les maladies de jeunesse du Hawker Typhoon

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Pensé comme la réponse idéale à l’introduction, par la Luftwaffe, du Focke-Wulf Fw 190, le chasseur britannique Hawker Typhoon déçoit très vite : non seulement ses performances sont proprement lamentables au-dessus de 3 000 mètres d’altitude, ce qui est plutôt gênant pour un intercepteur, mais de graves défauts de conception causent de très nombreux accidents mortels. Autant de tares qui conduiront à réorienter son rôle en chasseur-bombardier, où il se couvrira de gloire !

 

Monoxyde de carbone

 

Le premier exemplaire du Typhoon à quitter les chaînes de production de l’usine Gloster-Brockworth est le Typhoon Mk IA immatriculé R7576, le 26 mai 1941. Mais les avions acceptés en unités sont sujets à de nombreux défauts, dont le moindre n’est pas l’envahissement du cockpit par l’oxyde de carbone provenant du moteur Napier Sabre en marche, aussi bien en point fixe au sol ou en vol. Ce défaut majeur ne sera expliqué qu’après plusieurs disparitions de pilotes sans causes connues. Après une inspection minutieuse d’un Typhoon, il est découvert que les joints de la cloison pare-feu, une pièce rapportée et non intégrale, se détériorent très rapidement sous l’effet des vibrations du moteur, autre grave défaut déjà déploré. La résolution de ces fuites mortelles ne sera que partielle et les pilotes ont une raison supplémentaire de se méfier de leurs montures ; ils reçoivent même la consigne formelle, avant tout autre chose dans le cockpit, de porter leur masque et d’ouvrir l’arrivée d’oxygène pour éviter d’être asphyxiés... Des pipes d’échappement élargies de 10 cm seront montées sur de nombreux appareils sans résultat significatif.

 

À cela s’ajoute le fait que le moteur prend souvent feu au démarrage sans signe précurseur. Ceci est dû au démarreur Coffman qui emploie des cartouches à blanc pour fusil mais à combustion lente (au nombre de 5) dont l’explosion entraîne, par la forte pression dégagée, le démarreur proprement dit fixé sur le carter du moteur ; ce démarreur par un système de cames hélicoïdales permet alors de faire tourner le vilebrequin de quelques tours. Le risque d’incendie apparaît dès la seconde tentative de démarrage avec un retour de flamme fatal. Souvent, le feu est très rapidement maîtrisé, mais les pilotes ont maintenant une confiance toute relative envers leurs avions...

 

Rupture en vol de la queue !

 

Malheureusement, au premier trimestre de 1942, un autre événement gravissime s’ajoute à la liste déjà nombreuse des ennuis du Typhoon. Et il va provoquer de très longues recherches. Hawker-Langley reçoit en effet un rapport l’informant que deux voire trois Typhoon ont été victimes, apparemment, de la casse de la structure du fuselage en vol, si soudaine qu’elle n’a laissé aucune chance aux pilotes de s’en sortir ni même d’avertir le contrôle aérien de ce qu’il arrivait. L’enquête débute en avril 1942. Or, le 24 du mois, un nouveau Typhoon du No 266 Squadron (le R7654) percute le sol, tuant son pilote, le P/O N.N. Allen. Le 11 mai, à Boscombe Down, c’est le Typhoon R7614 qui se crashe sans prévenir... mais par miracle, le Wing Commander M.G. Stevenson s’en sort.

 

L’enquête durera jusqu’en octobre 1943 ! Assez rapidement, les soupçons pèsent sur l’empennage et ses points de fixation au fuselage. Les techniciens pensent à une fatigue prématurée engendrée par les vibrations du moteur et non à une faiblesse intrinsèque du fuselage à ces points d’assemblage. Pour réduire ces vibrations, il est suggéré de monter une hélice quadripale avec un empennage agrandi en surface. Toutefois, dans le doute, il est conseillé de ceinturer le point de jonction avec une lame d’acier rivetée. Cet expédient ne satisfait pas certains techniciens de Langley, dont le pilote d’essai en chef Philip Lucas, qui considèrent cela comme un simple pansement... et non un moyen sûr de « guérison du mal ». En conséquence, cette ceinture est renforcée elle-même avec des ferrures métalliques vite dénommées « écailles de poisson ». Les recherches se portent aussi sur la compensation du gouvernail équipé d’un contrepoids interne et non plus externe comme sur les prototypes et les premiers avions de série. Le contrepoids est amélioré, mais un nouvel accident, au cours duquel le pilote d’essai K.G. Smeth-Smith est tué, fait porter dorénavant les soupçons sur les supports des contrepoids internes des volets de profondeur. Un empennage est récupéré à peu près complet et il est découvert qu’avant la cassure, des boursouflures se forment au pied de la dérive ; il y a donc torsion vers le haut et de ce fait, le joint de transfert des forces dans le fuselage se déchire.

 

En fait, la torsion destructrice se produit à partir de 4,5 g, manche tiré à fond, quand le virage du Typhoon se resserre à un tel point que les forces exercées sur l’empennage dépassent tous les maximas admissibles. La solution, sans entrer dans des détails techniques assez pointus, est trouvée en ajustant au plus précis possible les compensations du manche à balai et des volets de profondeur. Durant les essais effectués par le Squadron Leader R.P. Beamont, avec des piqués atteignant les quelque 800 km/h de vitesse vraie et des virages jusqu’à 6,5 g, les virages ne se resserrent plus et les appareils enregistreurs ne signalent plus de surcharge excessive sur les supports des profondeurs et sur le raccord fuselage-empennage. Les modifications sont appliquées à la construction sur les avions des lots au Serial « MN » et suivants et rétroactivement sur les avions déjà produits.

 

Par Jean-Claude Mermet

Image © Piotr Forkasiewicz

 

La suite de cette histoire et l’intégralité de celle des Typhoon et Tempest sont à lire dans Aérojournal hors-série n° 42 actuellement en kiosque et en vente sur notre site.

 

 

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